Caron : parfumeur anticonformiste

Greg JACOMET
17/3/2016
Caron : parfumeur anticonformiste

La gamme des masculins de Caron dans leurs flacons historiques.

Pour tout lecteur régulier de PG, cet article n’est pas une surprise : nous aimons la maison Caron. Nous avons écrit par le passé sur le légendaire Pour un Homme à l’occasion du 80ème anniversaire du parfum, sur l’injustement mésestimé L’Anarchiste, ainsi que sur le dernier parfum pour homme en date de la maison, l’aérien Yuzu.

Par souci d’exhaustivité et par amour pour l’une des seules maisons de Haute Parfumerie française ayant survécu à la transformation en profondeur du marché à l’oeuvre depuis ces cinquantes dernières années, il est temps de couvrir les deux derniers parfums de la gamme homme manquants au tableau : le surprenant 3ème Homme et l’impitoyable Yatagan.

LE 3ÈME HOMME

Le troisième homme de Caron

Le 3ème Homme, ainsi baptisé en référence au film d’Orson Welles est, sans grande surprise, le troisième parfum de la gamme masculine de Caron, sorti en 1985.

Faire une liste complète des notes présentes dans le 3ème Homme serait un exercice d’une grande futilité : nous sommes ici en présence d’un jus d’une relative linéarité. Comprenez par là que si vous appréciez l’ouverture du parfum, vous en apprécierez la totalité. Les accords y sont, en effet, particulièrement homogènes et consistants. On y trouve des notes florales, pointant vers le géranium peut-être, des effluves de bergamote et d’estragon et pourquoi pas une ombre de vétiver.

Il s’agit d’une fragrance d’une belle androgynie, très légèrement poudrée. Surprenant, en effet, lorsque l’on considère le climat de l’industrie des cosmétiques à l’époque de la sortie du 3ème Homme : alors que beaucoup de parfums masculins nous envoyaient, à l’époque, une grosse tartine de notes bien lourdes en pleine figure, le 3ème Homme ne donne pas dans le stéréotype ultra-masculin si propre à la période.

C’est, à mon sens, un parfum de soirée – une fragrance délicate et élégante, légèrement gourmande, qui ne fait surtout pas dans le spectaculaire. Il s’agit tout simplement d’une vraie belle création, complexe, d’un équilibre rare, très agréable et qui dure longtemps sans saturer l’air ambiant de particules fines.

Pour qui cherche un parfum linéaire, plaisant, original mais sans excentricité, le 3ème Homme de Caron reste, aujourd’hui encore, une valeur sûre.

YATAGAN

Yatagan de Caron

Yatagan est une sacrée bête à dompter.

À mille lieues du docile 3ème Homme, Yatagan, qui fait référence au sabre Turc du même nom, est un oriental pour homme boisé, musqué et dénué de toute interférence florale.

Le jus, par sa couleur, donne immédiatement le ton : nous avons affaire ici à du cuir liquide. Et quoiqu’il soit, bien entendu, impossible de distiller du cuir, Yatagan est sans aucun doute la fragrance qui s’approcherait le plus de cette idée.

On y trouve de l’armoise, du petigrain, du vétiver, du patchouli et des aiguilles de pin. Un parfum qui rappelle les steppes – sales et poussièreuses, mais verdoyantes et d’une certaine beauté sauvage à la fois. Rares sont les parfums si évocateurs !

Yatagan ne parlera évidemment pas à tout le monde. Sortie il y a aujourd’hui 40 ans (en 1976), la deuxième fragrance masculine de la maison Caron s’est imposée dans une niche qu’elle est probablement, encore aujourd’hui,  la seule à occuper : celle de l’oriental pour homme qui ne fait ni dans le miel ni dans l’ambre.

Dire que Yatagan est un parfum typé est un euphémisme.

Il s’agit donc, comme toujours mais sans doute plus que jamais, d’un parfum à vraiment essayer avant de l’adopter.

Mais en cas d’adoption, soyez prévenu : l’addiction est intense.

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Toutes les photos : © Andy Julia pour Parisian Gentleman

Maison Caron : Site Web

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