De l'art des boutons de manchette : quand le diable est dans les détails

Agathe VIEILLARD-BARON
29/6/2025
De l'art des boutons de manchette : quand le diable est dans les détails

Aussi essentiels que discrets, les boutons de manchette sont une des pièces les plus intéressantes du vestiaire masculin. Comme beaucoup d’accessoires qui ne sont pas voués, au départ, à être exhibés, les boutons de manchette sont devenus un nouveau lieu d’expérimentation élégante au fil des siècles - au même titre que la doublure d’une veste ou la ceinture d’un pantalon. Une recherche en magasin, en seconde main ou sur Internet vous le prouvera : les modèles sont nombreux, les intentions, variées, et le choix, difficile. C’est à vous, amateurs d’élégance aguerris ou néophytes, que je livrerai ici quelques remarques sur cet accessoire trop souvent négligé au panthéon de l’élégance. 

Une brève histoire des boutons de manchette 

On s'accorde souvent à dire que c'est au XVIIe siècle que sont apparus les boutons de manchette ; à cette époque, les manchettes se simplifient, adoptant peu à peu la forme "mousquetaire" - aux poignets doubles et repliés. 

C'est cependant au XIXe siècle que les boutons de manchette connaissent leur âge d'or, avec la popularisation de coupes modernes - costume de ville et tenue de soirée. D’emblée, ces deux situations sont distinguées : les boutons de manchette dorés sont souvent consacrés à la journée, et les argentés, à la soirée. Le modèle de la chemise est simplifié en "single cuff" - une seule épaisseur de manchette - et c'est un tissu rigide qui est privilégié pour ce genre de pièces. 

Dans le Paris des années 1900, c'est Édouard VII, une des figures les plus emblématiques de la haute société, qui jette la lumière sur les boutons de manchette : exit les métaux sobres, c'est désormais en nuances de pierres précieuses que se conjuguent les manchettes. Le prince héritier est notamment un habitué de chez Fabergé, qui réalise pour lui des petits chefs-d'œuvre de virtuosité.

Portrait de Georges de Porto-Riche par Jacques-Emile Blanche. On peut noter le trio réussi entre la bague du modèle, son épingle à cravate, et son bouton de manchette.

L'entre-deux-guerres voit le retour du poignet mousquetaire - en bon anglais, la "french cuff". Les boutons de manchette retrouvent alors leur nécessité initiale.

Les années 1970, dans une recherche de confort et de simplicité, adoptent quant à elles les manchettes boutonnées - contrastées ou non, selon les modèles. 

Formes et virtuosités

On peut distinguer trois types de boutons de manchette : 

  • des modèles - les plus répandus - à tige, rotative ou non ; 
  • des doubles boutons, où deux pièces constituant le bouton de manchette sont liées l’une à l’autre par une tige ; 
  • des boutons noués en soie, ou “silk knot” - aussi connu sous le nom de noeud turc, de noeud de célibataire, ou de noeud de singe.
Exemple d’un modèle de “silk knot” 

Ce qui donne au bouton de manchette tout son intérêt, c'est qu'il conjugue art de l'extrême détail et charge symbolique marquante. Il est souvent considéré comme un bijou à part entière, tant pour ses matières que par la virtuosité que sa réalisation peut exiger.

Ces boutons de manchette en tous points exceptionnels sont le fruit d’une commande passée à la célèbre maison Fabergé par l’Impératrice de Russie - qui les a offerts à un de ses filleuls. Ces bijoux d’orfèvrerie reprennent d’ailleurs l’aigle bicéphale, un des emblèmes de l’Empire. 

Les plus courants des boutons de manchette en métal précieux sont en or, argent, ivoire, nacre ou platine. D’autres amateurs de costume préfèrent adopter des matériaux plus exceptionnels, comme des bois rares, du galuchat, des pierres précieuses. 

Boutons de manchette en onyx, au cadre plaqué or
Usage aujourd’hui perdu des boutons de manchette : celui de médaillons contenant la photographie de vos proches. 

Certains boutons de manchette ne font pas l’objet d’un choix, mais sont naturellement liés à des tenues spécifiques. Uniformes et spencer de la plupart des corps d’armée comportent ainsi des boutons de manchette renvoyant directement aux emblèmes de ces mêmes corps. 

Quelques conseils pratiques

De même que pour le choix d’une cravate, d’une montre ou d’une paire de chaussures, certaines règles simples sont à respecter afin de ne pas commettre d’impair : 

  • Si vous portez une chevalière, une bague ou une montre, choisissez, de préférence, des boutons de manchette d’un métal ou d’une teinte similaire.
  • Ne vous laissez pas séduire par des boutons de manchette excentriques ou trop raffinés, que vous ne porterez jamais ; privilégiez des modèles qui correspondent à votre personnalité, et que vous pourrez arborer au quotidien.
Les noeuds marins, l’un des modèles de boutons de manchette les plus répandus, qu’ils soient en métal ou sous forme “silk knot” - ici, modèle en argent réalisé par The Nines. 

N’hésitez pas à chiner dans les tiroirs de vos grands-parents ou dans les marchés d’occasion, afin de tomber sur des boutons de manchette qui sauront compléter votre tenue à merveille. Un bouton de manchette faisant référence à votre profession, à un loisir qui vous est particulièrement cher, ou à une esthétique qui vous tient à coeur vous permettra de vous approprier pleinement un costume qui doit devenir, pour vous, comme une “seconde peau”. 

De Louis XVI à Napoléon : changement de régime ou de vestiaire ? Le bouton de manchette a régulièrement été utilisé pour signifier l’attachement à tel ou tel bord politique ; de quoi pimenter vos déjeuners sans lâcher un mot. 

En ce qui concerne la tenue de soirée, l'accessoirisation du black tie et du white tie demanderaient un article à part entière. Contentons-nous ici d'une règle simple : de même que l’on ne porte pas de montre avec son smoking, les boutons de manchette ne sont pas là pour attirer le regard, mais pour apporter un détail à l’harmonie de votre tenue.

Boutons de manchette pour black tie, par la maison Cinabre, en nacre

Oui, les boutons de manchette doivent être une occasion d’en faire plus, et d’ajouter un soupçon d’élégance ou d’originalité à votre tenue ; pas de détruire son harmonie au profit d’une référence au goût plus douteux. 

Exemple d’un modèle risqué

Vous êtes à présent, chers lecteurs, fin prêts pour vous consacrer à cette épineuse question : comment choisir ses boutons de manchette !

Pour vos soirées débridées : l’opérette Les Boutons de manchette, du bien connu (?) Jules Bovery, créée en 1869.