En vertu du climat hygiéniste ambiant qui tend à honnir le tabac sous toutes ses formes, il est facile d’oublier que la plante de tabac a longtemps été considérée dans l’inconscient collectif comme une commodité de valeur, symbole de frivolité et de luxe.
Et sous forme de cigarette bien entendu, comme un accessoire tour à tour incroyablement masculin et superbement féminin.
En parfumerie particulièrement, le plante de tabac est un ingrédient merveilleux, aromatique, au parfum riche et varié. Pas de jus de mégot à l’horizon; rentrez dans une boutique de cigare et sentez la différence.
Et à ceux qui ne voient que le côté indéniablement nocif de la substance, je réponds ceci : le tabac a au moins la bonne grâce de prendre son temps pour vous ruiner la santé, essayez donc de fumer une feuille de laurier la prochaine fois que vous faites un pot-au-feu, et on en reparlera.
Mais mauvais esprit, faux militantisme (je n’ai jamais fumé de ma vie) et pauvreté de mon argumentaire mis à part, la parfumerie est sans aucun doute le secteur qui sait faire le meilleur usage de la force aromatique de la plante de tabac, et ce, sans les risques inhérents à l’ingestion de fumée.
Mon dernier coup de cœur dans la catégorie est sans aucun doute l’impérieux Cuba de Czech & Speake, parfumeur britannique installé sur Jermyn Street, sorti en 2002.
Impérieux, ce parfum l’est indéniablement par la puissance de son ouverture : un assaut de bergamote, de tabac frais, de menthe légèrement poivrée infusée au rhum et arrosée de citron vert, souligné de forts relents animaux, pratiquement fécaux – probablement du castoréum ou de la civette.
Une ouverture sale et foisonnante, propre à faire fuir le consommateur timoré, et ceux ayant eu l’audace d’espérer l’un de ces ignobles parfums « mojito » comme il en pullule dans les supermarchés.
Le coeur est quant à lui plus chaleureux, presque traditionnel dans ses accords. L’animal reste et devient légèrement sucré, la rose s’ouvre et se musque, tandis que le parfum sèche et que le tabac se boise dans les retombées de l’explosion initiale, sous un lit de laurier rincé au rhum.
Un joyeux foutoir pourtant cohérent qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler le merveilleux Mouchoir de Monsieur de Guerlain dans sa dynamique : d’abord féral, puis dompté, Cuba s’avère étonnamment sophistiqué.
Un parfum de niche devant l’éternel, qui fleure bon l’humidificateur de cigares à l’ouverture et qui est destiné à ceux qui cherchent avant tout quelque chose de différent. Une belle réussite, et mon gros coup de cœur du moment.
A conseiller : Aux amateurs de parfums uniques et à ceux qui en ont assez des parfums qui sentent le propre et le gel douche.
A déconseiller : Aux personnes réfractaires aux notes animales et à ceux qui préfèrent des parfums qui surprennent moins.
On aime : La richesse et la cohérence de la démarche, un parfum qui reste intéressant de bout en bout, un sillage discret mais présent.
On aime moins : Le final, un peu trop discret, une durée de vie qui pourrait être supérieure, une disponibilité aléatoire en France.
A porter avec : Un état d’esprit cohérent : Cuba est un parfum qui s’affirme, et qui ne peut être porté que par quelqu’un qui l’assume pleinement.
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